mardi 13 août 2013

Education bienveillante, vraiment?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'éducation bienveillante est à la mode.
Les ateliers "Faber et Mazlish" ou "Gordon" fleurissent partout en France, la Communication Non Violente (CNV) est un concept que ne cesse de se répandre (parfois un peu détourné ou adapté).

On voit très peu de critiques de ces concepts, comme si cela était si parfait qu'on ne pouvais pas ne pas adhérer.
Pourtant, je suis de plus en plus sceptique quand à l'utilisation de ces techniques.

La manipulation

 C'est la seule critique que l'on entende parfois. Les "habiletés" seraient bien souvent des manières de manipuler l'enfant pour l'amener à se comporter comme on le souhaite.
Si c'est en partie vrai, il faut relativiser ce point de vue. Je le vois plutôt comme une dérive de ces méthodes. Gordon me semble d'ailleurs conscient de ces risques qui sont abordés lors des ateliers. Faber et Mazlish sont sans doute moins regardantes.
Il faut aussi bien comprendre qu'éduquer c'est aussi manipuler. Il s'agit bien d'amener l'enfant a devenir adulte, à le guider, ce qui est donc formellement une manipulation.

Mais comme toute dérive, il faut s'en méfier comme de la peste, surtout quand la connaissance de la plupart des gens se résume à avoir lu ce qui se dit sur le net ou au mieux à avoir lu un livre.

Comme souvent, il faut avant tout se poser la question du BUT que l'on cherche à atteindre.
Or c'est la que le problème le plus important se pose...

L'adulto-centrisme

 L'objectif de ces méthodes n'est pas le développement harmonieux de l'enfant. C'est avant tout le bien être de l'adulte qui est mis en avant.
Attention, je ne dis pas que le bien être de l'adulte n'est pas un facteur important dans celui de l'enfant. Mais je reproche à ces méthodes de se concentrer sur la manière d'adapter l'enfant à la vie de l'adulte, plutôt que de se centrer sur l'enfant et sur ses besoins.

Cela transpire dans l'ensemble des ateliers Faber et Mazlish. Les jeux de rôles et les exemples mis en scènes insiste sur le ressenti de l'adulte, qui est transposé sur l'enfant. A vouloir trop prôner l'égalité entre enfants et adultes, en en viens à oublier que les enfants ne pensent et ne ressentent pas la même chose que les adultes.
Les exemples proposés font un parallèle entre les rapports patron/employé et parent/enfant, par exemple. C'est un parallèle absurde, qui nie à la fois la spécificité de l'enfant et celle de la relation de parentalité.
Cette vision d'adulte tourné vers les besoins des adultes ne peut pas à mon sens servir de base à une méthode éducative.
Cet "adulto-centrisme" à une conséquence : on se concentre avant tout sur l'amélioration du comportement plutôt que sur celui du bien-être.

 Le comportementalisme 

"Améliorer la relation parent/enfant" devient donc "améliorer le comportement de l'enfant".
Or on utilise pour cela des techniques purement comportementalistes, c'est à dire de l'ordre de l'apprentissage et du conditionnement.
Les fameuse "alternatives à la punition" qui sont une manière de présenter une sanction comme une conséquence inéluctable (je t'ai prêté un jouet, tu l'as cassé, je ne te prêterais plus de jouet => c'est une conséquence automatique, pas une punition), permettent avant tout d'améliorer le conditionnement opérant.
On fait ainsi en sorte d'avoir des "enfants modèles" sans considération pour leur développement et leur psychisme interne.

Pour relativiser

Bien entendu, tout n'est pas noir dans ces méthodes. Elle peuvent être une aide précieuse pour des familles en difficulté passagère.
Il faut simplement les prendre pour ce qu'elles sont : des réponses ponctuelles, qui peuvent être utile, mais sûrement pas des principes d'éducation à appliquer à toute la société.


9 commentaires:

  1. Comme répondu à votre commentaire aux Vendredis Intellos je ne comprends pas votre votre article.

    La manipulation me semble un peu hors sujet. Si les "habiletés" sont utilisés avec la volonté de manipuler, ce n'est ni mieux ni pire que la "méthode traditionnelle" car les enfants ne sont pas dupes.
    Si les outils de communications sont correctement utilisés, il ne s'agit plus de manipulation, puisque l'objectif est de trouver un compromis couvrant les besoins de TOUTES les parties prenantes.

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  2. (suite)

    L'adulto-centrisme :
    je n'ai jamais fait de stage, mais j'ai beaucoup lu et échangé sur la CNV et l'éducation bienveillante... et j'ai le constat tout à fait opposé !
    La première chose qu'on apprend, ce sont les étapes du développement cognitif de l'enfant.
    La base même de la CNV est d'observer pour comprendre l'autre, afin de communiquer mieux. Ce qui s'applique aussi bien dans une relation adulte/enfant, que dans une relation adulte/adulte.
    Les jeux de rôle mettent en valeur l'absurdité du comportement d'un individu en position de pouvoir. C'est tout à fait parlant, même si, effectivement, se mettre à la place de l'enfant est rigoureusement impossible : ils sont encore plus sensibles que les adultes à leur environnement qui les construit. Mais il suffit d'entrevoir un tout petit peu les ravages d'une brimade pour prendre la mesure de l'impact désastreux qu'elle a en réalité.

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  3. (fin)
    Le comportementalisme
    Ça n'a rien à voir avec la CNV ! Quels ouvrages avez-vous lus ? Qu'est-ce qui vous fait croire que l'objectif de la "3è voie" de Gordon (pour prendre un exemple concret) est de modeler les enfants ?

    Il ne s'agit pas de présenter les sanctions comme une conséquence, mais de faire vivre la véritable conséquence d'une action au lieu de sanctionner.
    "Je t'ai prêté un jouet, tu l'as cassé > je suis triste, je n'ai plus envie de te prêter des jouets" ou "je ne veux plus que tu les utilises sans que je sois à côté de toi" ou "je t'en donne un autre plus solide à la place" : la réponse peut varier selon l'interlocuteur et/ou le moment, il n'y a rien de figé puisqu'il s'agit de "parler vrai". Rien à voir avec une sanction arbitraire de type hurlement, tape, isolement au coin.

    Bien sûr que ces conséquences ont une influence sur le comportement de l'enfant. Comme dans n'importe quelle relation interpersonnelle.

    Ainsi, je sais que unetelle boudera ma quiche lorraine (végétarienne et allergique au gluten), mais appréciera ma salade composée. A moi de choisir le menu et d'assumer les conséquences.

    De même, mes filles savent qu'elles doivent essuyer les dégâts si elles éclaboussent la salle de bain, à elles de choisir si elles préfèrent s'éclater dans le bain puis éponger, ou barboter calmement.
    Et comme je leur ai expliqué pourquoi je ne voulais pas laisser de l'eau au sol (pour éviter les glissades et les traces de pas), mon aîné m'a proposé une autre solution : "Le vent sèche tout seul, on s'habille dans la chambre, t'as vu ? On n'a pas salit !". A même pas 3 ans, et en essuyant les pieds de sa sœur de 14 mois et les miens (puisque je surveille évidemment le bain !) pour qu'on ne glisse pas.

    C'est typiquement de la CNV : j'explique mon besoin personnel (qui serait différent chez quelqu'un de plus maniaque que moi), je prends en compte leurs besoins (de découverte des joies de l'eau), je propose une solution (éponger), j'écoute leur solution (laisser sécher) et je l’accepte... quand la salle de bain n'est pas occupée immédiatement après leur passage, la donne change quand d'autres ont besoin de la salle de bain après elles.
    Je n'aurai pas connu la CNV, j'aurai râlé, voir sanctionné pour imposer ma loi. J'aurai donc seulement transmis la loi du plus fort (au lieu d'enseigner l'écoute et le respect de mes besoins et des leurs). C'est plutôt la méthode traditionnelle qui est comportementaliste !

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    1. Tout d'abord, merci pour ces contributions intéressantes.
      Vous m'indiquez n'avoir jamais participé à un atelier. Puisque vous vous intéressez au sujet, je me permet de vous encourager à franchir le pas : c'est tout à fait passionnant et cela apporte vraiment plus que les livres.
      Sur la manipulation, je suis assez d'accord, comme je l'ai dit dans l'article : ce n'est pas un critère qui me semble pertinent en soi.
      Concernant "l'adulto-centrisme", c'est mon ressenti sur tout ce que j'ai pu lire et pratiquer sur le sujet. On se pose les questions du point de vue de l'adulte, on joue des rôles entre adultes.
      La méthode Gordon est pour moi un bon exemple de ce phénomène, puisqu'il s'agit d'une méthode développée initialement dans le domaine de l'entreprise, donc entre adultes.
      D'autre part, je ne crois pas que l'enfant soit "comme un adulte en plus sensible". Je développerais probablement ce sujet dans un prochain billet.

      Enfin sur le comportementalisme.
      Votre exemple me semble au contraire purement comportementaliste (sans doute autant que ce que vous appelez la "méthode traditionnelle", mais mon objet n'était pas la comparaison). L'objectif est atteint puisque le comportement est satisfaisant. La satisfaction est renforcée par l'apparence de "gagnant/gagnant" de la situation (ce que j'appelais amélioration du conditionnement opérant).
      Mais il n'est pas question ici du cheminement psychique et de sa conséquence sur le développement de l'enfant. La formation du moi et du surmoi, les frustrations, etc...
      Attention, je ne dis pas que l'éducation bienveillante est mauvaise pour le subconscient : je lui reproche juste de ne pas se poser la question et donc de ne se préoccuper que de "comportement observable".

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  4. Que j'aimerais suivre un atelier F&M ! Il n'y en a malheureusement pas dans mon coin de montagne, dommage ! Je devrais quand même réussir à suivre une courte formation Montessori, j'ai hâte !

    Pourquoi "l'apparence" du gagnant/gagnant ? Il y aurait un perdant qui se cache ? Dans mon souvenir (mes livres étant encore en cartons, je ne peux confirmer), la "méthode Gordon" est issue d'une conjonction de facteurs : élève de Maslow et de Carl Rogers, c'est en se remariant avec une femme ayant déjà des enfants et qui pratiquait la CNV sans le savoir qu'il a fait le lien entre leurs théories et leur application hors du cadre pathologique. Et qu'il a exploré d'abord au quotidien dans la relation avec ses belle-filles avant de théoriser et de former des parents, puis des encadrants puis d'autres professionnels. A vérifier...
    Quoiqu'il en soit, je n'ai jamais eu l'impression à la lecture des ouvrages qu'il plaçait l'adulte au centre, puisqu'il prône avant tout l'écoute active ! Enfin quelqu'un qui s'intéresse à ce que pense un enfant, qui lui laisse la possibilité de trouver lui-même des solutions aux difficultés.
    Je ne connais pas les jeux de rôle des ateliers, mais j'imaginais que c'était un simple moyen de mettre en évidence l'absurdité du comportement de l'adulte ; dès qu'on change d'échelle, c'est frappant.

    L'environnement, les interactions avec les semblables ont une influences sur les enfants (et les adultes). Elles forgent la personnalité, sans aucun doute, mais c'est la simple conséquence d'être vivant ! En cela, le comportementalisme est d'abord l'adaptation à l'environnement, inévitable et heureusement.
    La proposition de la CNV est de le faire de façon constructive pour la relation, et pas dans l'opposition.

    J'avoue que la psychanalyse me semble totalement dépassée ; étonnamment présente en France alors que quasi oubliée dans d'autres pays.
    Les théories freudiennes (moi, surmoi, subconscient, période anale, pervers polymorphe...) d'une victime de pédophilie tentant difficilement d'expliquer l'inexplicable, de comprendre une société qui légitimait la torture des enfants, me laissent franchement sceptiques.
    Autant dire qu'elles influencent autant ma relation avec mes filles que leur signe astrologique (que je ne connais même pas, à vrai dire !).

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    1. Sur la psychanalyse qui serait dépassée et quasi oubliée dans d'autres pays... On ne doit pas vivre sur la même planète.
      En plus de son énorme influence sur de très nombreux domaines scientifiques ou non, la psychanalyse a une reconnaissance universitaire grandissante en particulier aux Etats-Unis.
      Les récents déboires de la psychanalyse française au sujet particulier de l'Autisme (pour lequel la situation ressemble à ce que tu décris, un échec évident en France et un abandon dans le reste du monde) n'est pas représentatif de la situation dans l'ensemble. Pour le coup, c'est plutôt le behaviourisme et en particulier le behaviourisme radical qui me semble totalement abandonné.
      D'autre part, qu'est-ce que vient faire la supposée histoire personnelle de Freud dans l'histoire? Que les théories freudiennes soient balbutiante c'est certain, il découvre des concepts entièrement nouveaux et en a parfois une interprétation contestable. Mais les première et seconde topiques n'ont à mon sens pas connu de critique fondamentale (On pourrait parler de Klein et de Lacan, mais note qu'il est difficile de les classer dans les opposants à la psychanalyse).

      Pour revenir au sujet, Maslow est un apport évident dans la psychologie transpersonnelle, mais je ne crois pas qu'il s’intéresse lui même à la problématique de l'enfance et de l'éducation (contrairement à Roger). Et en revient à ce qui semble fondamentalement nous opposer : le passage de l'enfant à l'adulte n'est pas un "changement d'échelle", et considérer la relation enfant/adulte comme identique à une relation entre adultes me semble fallacieux.

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  5. Les voyages ont formé ma jeunesse : surtout outre Rhin, dans le pays de Freud notamment, et il n'est pas du tout invité à la table de l'éducation des enfants !

    Pour une biographie intéressante de Freud :
    http://www.regardconscient.net/archives/0212jakobfreud.html

    Je ne retrouve pas le lien que faisait Alice Miller sur son enfance et sa théorie qui pèse encore aujourd'hui, surtout en France, sur les enfants. L'ai-je lu dans un livre ou dans un site, je ne sais plus !

    Concernant psychanalyse et éducation, je ne dirais pas mieux :
    http://blog.scommc.fr/a-propos-des-limites-et-de-leur-effet-sur-les-enfants-et-les-parents/
    Sortons du paradigme de la psychanalyse, ça redonnera de l'air à tout le monde.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la différence considérable entre le cerveau d'un enfant et celui d'un adulte :
    http://lesvendredisintellos.com/2013/05/10/penser-cest-predire/
    Voir tout le travail de Alison Gopnik à ce sujet, passionnant !

    Là où je ne comprends pas, c'est votre lecture de l'éducation bienveillante, et de la CNV en général. Ces principes sont les seuls à ma connaissance qui permettent de respecter tous les interlocuteurs tels qu'ils sont, aussi différents qu'ils soient.
    Le respect est le même pour tous, ce ne veut pas dire que tous sont égaux : il s'agit plutôt d'équité, bien plus juste que l'égalité stricte.

    C'est sur ses principes que reposent en partie la société actuelle (sauf concernant les enfants, dernier bastion !). Égalité homme/femme, respect mutuel patron/employé... même s'il y a beaucoup de progrès à faire, et que les outils comme l'écoute active sont beaucoup méconnus. Le sens de l'histoire, en restant optimiste sur son progrès, devrait donc aller vers la généralisation à tous les étages de la CNV et donc de l'éducation bienveillante !

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  6. Bonjour,

    merci pour cet article fort intéressant sur ces méthodes que j'avoue mal connaître. Je n'ai pas désiré les approfondir après lecture d'un article qui prônait qu'il était normal que la maman dise "blanc" et que le papa dise "noir" en même temps au jeune enfant et qu'il n'était pas nécessaire que les deux se mettent forcément en cohérence ...

    Le père de mon enfant (nous sommes séparés) s'est saisi de cette "directive" de guidance parentale pour tenir des positions incohérentes avec les miennes (père qui met le jeune enfant en position d'enfant-roi). Vous comprendrez pourquoi je n'ai pas désiré aller plus loin (il s'agissait d'un article sur la méthode Gordon).

    Autant je comprends que père et mère ne peuvent pas être toujours du même avis, autant je trouve indispensable de parvenir à un consensus et faire corps sur les postures à tenir devant l'enfant.

    Je vous donne un autre exemple : la mère ne met plus de couches, l'enfant est presque propre, le père quand ça lui chante remet des couches au petit ... vous pensez que c'est bienfaisant comme approche ?

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    1. Bonjour et merci pour votre réaction.
      Il faut bien entendu se méfier de la simple lecture d'un article qui ne reflète pas forcément correctement la réalité de la méthode qu'il est censé présenter...
      C'est d'ailleurs un des risque de ces méthodes : elle sont parfois mal connues et utilisées sans discernement, ce qui aboutit à se contenter des "recettes" sans en voir le sens réel et global.
      Même si je pense comme expliqué dans l'article qu'il faut prendre du recul sur ces méthodes, il me semble aussi très important si on souhaite néanmoins les appliquer d'aller jusqu'au bout de la démarche (participer aux ateliers, en particulier, qui permettent de "remettre en perspective" et de partager avec d'autres parents sur le sens que l'on donne à tout çà.)

      Sur le sujet dont vous parlez, il me semble en effet important que les parents "aillent dans le même sens". Néanmoins, je crois aussi qu'il ne faut pas cacher à l'enfant les désaccords inévitables : on peut expliquer à l'enfant que l'on est pas d'accord, mais qu'une décision (un consensus) à été prise et qu'on l'applique.
      Enfin, on peut aussi expliquer à l'enfant que les choses se passent différemment avec Papa et avec Maman (comme elle se passent différemment chez les grand-parents, à l'école, etc...).
      Tant qu'il ne s'agit pas de saper ce que fait l'autre (pas question de dire à l'enfant "ce que fait ton père est nul", "ta mère ne sais pas s'occuper de toi", par exemple), je crois que l'enfant peut s'adapter à ces différences.
      Pour reprendre votre exemple, j'ai au moins un exemple d'enfant totalement propre chez sa nounou (y compris pour la sieste) mais pas chez ses parents.

      Bon courage à vous : je suis moi même en plein apprentissage de la propreté avec Petit AS, c'est un moment pas toujours simple à passer!

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