vendredi 30 août 2013

Eduquer n'est pas séduire

Voici ma première contribution aux Vendredis Intellos!
Il est permis d'obéir
J'ai toujours pensé que la relation parent-enfant était une relation très particulière, en ce sens qu'elle est nécessairement asymétrique, eu égard à la fois à la grande faiblesse de l'enfant et à ses extraordinaires capacités.
Bien souvent, j'ai eu le sentiment que les méthodes éducatives  dérivaient soit vers une exploitation de cette faiblesse, soit vers une négation de cette asymétrie.

Lorsque je suis tombé (merci Mère Cruelle!) sur cet entretien avec Daniel Marcelli (Eduquer n’est pas séduire), j'ai enfin compris l'origine du malaise que je ressens bien souvent.

Si les méthodes éducatives exploitant directement cette faiblesse par la coercition physique sont heureusement passée de mode, elle sont d'après Daniel Marcelli remplacée par la séduction.

Il commence par rappeler le changement de perspective ayant eu lieu au cours du 20éme siècle, qui a permit de mettre l'enfant au centre de la question éducative. L'objectif de l'éducation n'est plus que les enfants soient "bien élevés", mais qu'il soit heureux et épanoui.
Dés lors, les parents se mettent au service des besoins de l'enfant (il donne l'exemple du biberon, passée de doses précises et à heure fixe à une alimentation à la demande : c'est l'enfant qui sait ce qui est bon pour lui).
Bien entendu, il y a à un moment donné un conflit entre ce que veulent faire les enfants et ce que les parents souhaitent. Daniel Marcelli voit deux possibilités pour résoudre ce conflit : la force et la séduction. Or " L’usage de la force étant disqualifié, les parents utilisent la séduction pour parvenir à leurs fins."

Qu'est-ce que cette séduction? C'est la question posée par la journaliste. la réponse?:
Dans la séduction, il existe plusieurs stratégies : faire appel aux émotions positives (« fais-moi plaisir mon chéri » ou « là, tu me fais de la peine ») ; procéder à des sortes de marchandage (« si tu ne dis pas merci au monsieur qui vient de te donner un bonbon, il ne t’en redonnera plus jamais »).

Vous reconnaitrez que l'on n'est pas loin de Faber et Mazlish...

Le problème, c'est que la séduction ne peut être l'unique mode de relation aux autres. Marcelli parle même d'effets très délétères. Il explique que l'enfant, devenu adolescent, va commencer à utiliser à son tour cette séduction pour arriver à ses fins, mais qu'il va se heurter aux désirs des autres. Le refus de l'autre est alors perçu comme un agression traumatisante.
Il ne faut pas oublier que le terme de séduction vient du latin seducere qui signifie conduire à soi, ce qui est exactement l’opposé du mot éducation (exducere en latin) qui signifie conduire vers l’extérieur.
Quelle est alors la voie proposée par Marcelli?

Il s'agit avant tout de rétablir une véritable autorité, notion qui doit se distinguer de celle de pouvoir, et qui ne doit pas être de l'autoritarisme:
Il faut distinguer le couple « pouvoir/soumission » d’un côté et « autorité/obéissance » de l’autre. Le pouvoir s’articule à la soumission par la force ou la séduction. L’autorité s’ancre sur l’obéissance (et donc la désobéissance).

Il faut distinguer l’autoritarisme, qui sous-entend qu’il faut toujours obéir, de l’autorité, qui autorise la désobéissance. L’éducation consiste à faire en sorte que l’enfant, au fur et à mesure de l’acquisition de son autonomie, ait la liberté de désobéir. Le rapport autorité-obéissance ne contraint ni par la force ni par la séduction.
 Ainsi, l'autorité est le pendant de l'obéissance mais aussi de la désobéissance : elle  n'existe que tant que la possibilité de désobéir existe.
Lorsque l'enfant commence à comprendre que tout n'est pas permis et que tout n'est pas possible, il peut désobéir consciemment.

Enfin, l'autorité est le contraire du pouvoir par la force: l'autorité est aussi la conscience de la faiblesse de l'autre, afin de le guider sans le diriger.
C’est pourquoi la relation d’autorité s’apprend dans l’enfance en obéissant, s’expérimente à l’adolescence en désobéissant, et s’exerce à l’âge adulte en refusant d’abuser de son pouvoir sur autrui.
L’autorité est un principe d’abstinence et de frustration qui consiste à s’abstenir d’utiliser les armes du pouvoir (force ou séduction) face à un plus faible.
L'éducation, pour moi, c'est exactement ça: être capable d'exercer une autorité qui protège et qui ne profite jamais de sa position de force.
Et comme j'ai toujours pensé que les parents sont des héros, je ne résiste pas a remettre ici ma citation préférée de Kaamelott:
Les héros ne se battent que pour la dignité des faibles.

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